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Portrait du phénomène

On ne connaît pas l’ampleur du phénomène de l’inconduite sexuelle puisque la majorité des cas ne sont pas rapportés aux ordres professionnels. De plus, les principales études portant sur les inconduites sexuelles commises par des professionnel.les se sont intéressées aux situations qui surviennent dans le domaine de la santé et des relations humaines (médecins, psychothérapeutes).

Comme pour les autres types de violences sexuelles, la majorité des auteurs d’inconduite sexuelle sont des hommes, mais les femmes aussi peuvent en commettre.
 
Une étude portant sur les distinctions entre l’inconduite sexuelle des hommes et l’inconduite sexuelle des femmes tend à démontrer que les hommes vont poser plusieurs gestes sur plusieurs victimes alors que les femmes vont poser plusieurs gestes sur une seule victime.1
Statistiques : Au Québec, entre juin 2017 et mars 2019, 30 personnes ont été radiées de leur ordre professionnel pour inconduite sexuelle ; de ces 30 personnes, 7 sont des femmes.2

*Article 158.1 : Le professionnel doit verser à l’ordre dont il est membre l’amende que lui impose le conseil de discipline conformément au paragraphe c du premier alinéa de l’article 156.

Le conseil de discipline peut recommander au Conseil d’administration que cette amende soit remise par l’ordre, en tout ou en partie, à la personne:

  1. Qui a déboursé des sommes d’argent aux fins de porter plainte en vertu du deuxième alinéa de l’article 128;
  2. Qui a été victime d’un acte dérogatoire visé à l’article 59.1 ou d’un acte de même nature prévu au code de déontologie des membres de l’ordre, pour défrayer le coût des soins thérapeutiques reliés à cet acte.

1 Melville-Wiseman, J. (2011) Professional sexual abuse in mental health services: capturing practitioner views of a contemporary corruption of care. Social Work and Social Sciences Review, 15 (3). Pp. 26-43. ISSN 0953-5225.

2 Azer, L. Rioux-Risi, R. (2019) Tolérance zéro en matière d’inconduite sexuelle chez les professionnels : où en sommes-nous depuis l’entrée en vigueur de la Loi 11 ? Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire. Volume 458. Édition Yvon Blais.

Comment se manifeste l’inconduite sexuelle ?

Les premiers signes

Parmi les gens qui commettent des inconduites sexuelles, certains manquent d’empathie et vont consciemment manipuler leurs client.es afin de combler leurs besoins. D’autres vont se laisser prendre par leurs propres besoins affectifs non comblés et laisser glisser la relation professionnelle vers une intimité inappropriée. 

Mais dans les deux cas, la majorité des gestes d’inconduite sexuelle sont précédés de transgressions des frontières de la relation professionnelle (comportements, propos ou touchers inappropriés dans un contexte professionnel) qui sont ignorées par les victimes parce qu’elles doutent de ce qu’elles ressentent, sont confuses, charmées ou paralysées par l’effet de surprise.3

*Article 158.1 : Le professionnel doit verser à l’ordre dont il est membre l’amende que lui impose le conseil de discipline conformément au paragraphe c du premier alinéa de l’article 156.

Le conseil de discipline peut recommander au Conseil d’administration que cette amende soit remise par l’ordre, en tout ou en partie, à la personne:

  1. Qui a déboursé des sommes d’argent aux fins de porter plainte en vertu du deuxième alinéa de l’article 128;
  2. Qui a été victime d’un acte dérogatoire visé à l’article 59.1 ou d’un acte de même nature prévu au code de déontologie des membres de l’ordre, pour défrayer le coût des soins thérapeutiques reliés à cet acte.
  • Modifier la fréquence, le moment ou la durée des rencontres qui avaient été convenus, sans raison valable.
  • Prolonger la durée du suivi sans raison valable.
  • Proposer des rencontres en dehors du lieu habituel et formel (restaurant, domicile, etc.).
  • Instaurer un climat de séduction.
  • Adopter une attitude paternaliste, critiquer les choix des client.es ou tenter de contrôler leurs comportements.
  • Faire des confidences aux client.es ou leur parler de sa vie sexuelle.
  • Modifier le mode habituel de paiement des honoraires en acceptant une compensation sous forme de biens ou de services.
  • Offrir des cadeaux ou des services qui ne sont pas en lien avec sa profession.
  • Consommer des drogues ou de l’alcool lors des rencontres ou en offrir aux client.es
  • Emprunter ou prêter de l’argent aux client.es.
  • Demander aux client.es de lui rendre des services.
  • Entretenir des contacts via les réseaux sociaux non professionnels.
  • Proposer de participer à des activités sociales qui n’ont pas de lien avec le motif pour lequel les client.es consultent.

À savoir : C’est la responsabilité des professionnel.les d’instaurer et de faire respecter les frontières de la relation professionnelle, et ce même dans le cas où c’est la cliente ou le client qui manifeste des signes d’intérêt sexuel ou le désir de développer une relation autre que professionnelle.

3 Dubois et al. (2017) Sexual Violation of Patients by Physicians: A Mixed-Methods, Exploratory Analysis of 101 Cases. Sexual Abuse: A Journal of Research and Treatment, 00 (0), 1–21, DOI:10.1177/1079063217712217.

4 Bergeron, M., Talbot Savignac, M., Hébert M. (2012) Rapport de recherche. Étude exploratoire sur les inconduites sexuelles entre un-e professionnel-le de la santé et un-e client-e au Québec.

Les manifestations de l’inconduite sexuelle

Les manifestations de l’inconduite sexuelle n’impliquent pas nécessairement de contacts physiques, elles incluent :

  • Les paroles à caractère sexuel : Questions sur la vie sexuelle sans motifs professionnels, allusions, blagues, compliments déplacés, etc. Ces paroles peuvent être communiquées en personne ou par téléphone, messagerie, texto, courriel ou tout type de moyen de communication.
  • Les gestes à caractère sexuel sans contacts : Regards indécents, voyeurisme, incitation à regarder de la pornographie, invitation à se masturber, toucher ou exhiber ses organes génitaux, etc.
  • Les gestes à caractère sexuel avec contacts : Caresses, frôlements, touchers sensuels, rapprochements, baisers, pénétration (vaginale ou anale), sexe oral (fellation ou cunnilingus), masturbation, etc.
Qui peut être victime d’inconduite sexuelle ?

Toute personne qui demande des services professionnels est dans un état de dépendance face à la personne consultée. Le risque d’abus de pouvoir ou de faute professionnelle est toujours présent.

Facteurs de vulnérabilité supplémentaires

Bien que toute personne puisse être victime de l’inconduite sexuelle d’un.e professionnel.le, les études démontrent que certaines personnes sont plus à risque parce qu’elles ont des facteurs de vulnérabilité supplémentaires.

Le fait d’être grandement dépendant des professionnel.les pour recevoir des soins de santé ou de l’aide pour les activités quotidiennes est un facteur de risque supplémentaire. Par exemple : les personnes confrontées à des limitations physiques ou intellectuelles, des troubles de santé chroniques ou des troubles de santé mentale ainsi que les personnes résidant en établissement de soins.

Le fait de faire partie d’un groupe de personnes plus vulnérables ou victime de stigmatisation (personnes autochtones, immigrantes, toxicomanes, judiciarisées, membres de la diversité sexuelle, qui travaillent dans l’industrie du sexe, etc.) augmente aussi les risques d’être victime d’inconduite sexuelle.

À savoir : Il est faux de penser que seules les personnes faibles et incapables de s’affirmer sont victimes d’inconduite sexuelle.

À savoir : Les personnes ayant vécu des abus sexuels et des abus physiques durant leur enfance sont plus à risque de revivre une expérience de victimisation.

Quelles sont les conséquences de l’inconduite sexuelle ?
L’inconduite sexuelle affecte la grande majorité des victimes et bien souvent les proches de cette personne. Des conséquences importantes peuvent survenir au niveau psychologique, mais aussi physique, économique, relationnel, etc.
Impacts psychologiques
Quand une personne fait confiance à un.e professionnel.le et que celle-ci ou celui-ci en profite, la personne victime peut éprouver une multitude de sentiments parfois contradictoires. La honte, l’ambivalence, la trahison, l’abandon, la tristesse, la colère, la peur, la solitude, l’humiliation, la culpabilité, etc. La personne peut se demander ce qu’elle a fait pour que cela arrive.
 
Tout comme dans le cas des autres formes de violences sexuelles, les conséquences possibles sont multiples et dépendent de plusieurs facteurs, dont le type de relation, la durée et le type de geste qui a été posé. Certaines personnes vivront une perte d’estime de soi, des difficultés au travail ou dans leurs relations interpersonnelles, de symptômes dépressifs, des idées suicidaires, des symptômes comparables au stress post-traumatique, etc.
 
L’inconduite commence souvent par des transgressions des frontières professionnelles. Certaines personnes sont d’abord flattées de recevoir des compliments ou de l’attention de la professionnelle ou du professionnel qu’elles admirent et qui a une certaine prestance. Elles auront peut-être perçu ces entorses au cadre de la relation professionnelle comme des privilèges ou la preuve qu’elles sont spéciales. Lorsqu’elles se rendent compte que ce n’est pas le cas, que la.le professionnel.le les a manipulées pour avoir un contact sexuel, elles peuvent se sentir honteuses et vouloir oublier ce qui s’est passé. Elles peuvent aussi garder le silence par peur des représailles.
 
Les hommes peuvent aussi être victimes d’inconduite sexuelle et vivre des conséquences importantes. Nous savons toutefois qu’ils ont plus de difficulté à reconnaître qu’ils ont été victimes et à dénoncer les gestes commis, surtout si l’auteure de l’inconduite est une femme.
Perte de confiance
Lorsque la relation professionnelle devient une relation sexualisée, la.le professionnel.le perd son objectivité. La qualité des services rendus est affectée. Lorsque la situation prend fin, le problème pour lequel la personne consultait est rarement réglé.
 
Après avoir été victime d’inconduite sexuelle de la part d’un.e professionnel.le, la.le client.e peut perdre confiance au système professionnel et ne plus vouloir consulter pour ses difficultés. Il peut s’en suivre une détérioration de sa situation (santé physique, santé mentale, santé financière, etc.).

À savoir : Dans la plupart des cas, ce sont les professionnel.les qui mettent fin à la relation amoureuse ou sexuelle qu’elles ou ils ont laissé se développer provoquant chez plusieurs client.es un sentiment d’abandon et une grande souffrance.

5 Pope K.S cité par Aser, L. (2013) Tolérance zéro en matière d’inconduite sexuelle chez les professionnels de la santé : utopie ou réalité ? Mémoire Université de Sherbrooke.

Ce que devrait être une relation professionnelle

La relation professionnelle est basée sur la confiance et implique un niveau d’intimité variable selon le type de service sollicité. Des frontières claires devraient être établies afin de bien distinguer la relation professionnelle des autres types de relations.

Particularités de la relation professionnelle dans le domaine de la santé et des services sociaux.

Compte tenu de la grande vulnérabilité des personnes souffrant de troubles de santé physique ou de troubles de santé mentale, la relation de soins est particulièrement propice aux abus de pouvoir. Il est important de rappeler les droits des usagers et usagères du système de santé et des services sociaux :

En tout temps vous avez droit :

  • D’être traité.e avec respect et dignité;
  • de poser des questions pour comprendre les services qui vous sont offerts et les gestes qui sont posés envers vous;
  • de participer aux décisions qui vous concernent;
  • de changer de professionnel.le;
  • d’être accompagné.e lors des rencontres;
  • de bénéficier du secret professionnel;
  • de consulter votre dossier;
  • de refuser les services qui vous sont proposés;
  • de mettre fin à la relation professionnelle;
  • de refuser de répondre à des questions qui ne sont pas en lien avec la prestation du service requis;
  • de porter plainte.

Lorsque vous faites affaire avec un.e professionnel.le, avant de commencer la prestation de services cette personne devrait toujours obtenir votre consentement libre et éclairé. Cela signifie qu’elle devrait vous expliquer clairement en quoi consiste son service (ex. objectifs visés, durée et fréquence des rencontres, méthodes utilisées, montant des honoraires, avantages, risques, etc.).

Lorsqu’un.e professionnel.le doit vous toucher ou manipuler certaines parties de votre corps pour effectuer des tests diagnostiques ou des traitements, elle.il devrait vous prévenir et vous expliquer le but de ces touchers afin de ne laisser place à aucune interprétation.

Si vous avez à vous dévêtir partiellement ou entièrement pour recevoir un traitement, sachez que vous devriez avoir de l’intimité pour vous préparer et on devrait vous fournir une jaquette, une serviette ou un drap pour recouvrir les parties de votre corps qui n’ont pas à demeurer visibles.

Si vous éprouvez un malaise dans le cadre d’une relation professionnelle ou si vous avez des doutes concernant un comportement adopté par un.e professionnel.le, n’hésitez pas à contacter l’ordre professionnel concerné pour vous informer sur le déroulement normal d’une prestation de service.

À savoir :  Vous pouvez retirer votre consentement à tout moment, si vous vous sentez inconfortable ou que les services ne correspondent pas à ce que vous souhaitiez.

La relation professionnelle entre collègues

Le ou la professionnel.le devrait adopter la même attitude de respect envers ses collègues ou ses subalternes. Depuis le 1 er janvier 2019, tous les employeurs doivent mettre en place une politique contre le harcèlement psychologique et sexuel. Ils doivent aussi informer les employés.ées du processus de traitement des plaintes. Pour plus d’informations, consultez : www.cnesst.gouv.qc.ca

Searle, R. (2019) Sexual Misconduct In Health And Social Care: Understanding Types Of Abuse And Perpetrators’ Moral Mindsets. Report for Professional Standards AuthorityUniversity of Glasgow.

Azer, L. Rioux-Risi, R. (2019) Tolérance zéro en matière d’inconduite sexuelle chez les professionnels : où en sommes-nous depuis l’entrée en vigueur de la Loi 11 ? Développements récents en déontologie, droit professionnel et disciplinaire. Volume 458. Édition Yvon Blais.

Dubois et al. (2017) Sexual Violation of Patients by Physicians: A Mixed-Methods, Exploratory Analysis of 101 Cases. Sexual Abuse: A Journal of Research and Treatment, 00 (0), 1–21, DOI:10.1177/1079063217712217.

4 Association québécoise Plaidoyer-Victimes (2008). Les rapprochements sexuels entre un professionnel de la santé et un ou une cliente : un interdit, une agression sexuelle, un crime – Guide d’information. Montréal : Association québécoise Plaidoyer-Victimes.

Pope K.S cité par Aser, L. (2013) Tolérance zéro en matière d’inconduite sexuelle chez les professionnels de la santé : utopie ou réalité ? Mémoire Université de Sherbrooke.

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