Cette section a pour but de favoriser la réflexion des professionnel.les, les informer et les outiller afin de prévenir l’inconduite sexuelle.

Au Québec, toutes les personnes qui exercent une profession réglementée sont soumises au Code des professions. Les articles 59.1 et 59.2 décrits dans les onglets précédents concernent donc l’ensemble des professionnel.les, peu importe leur domaine d’exercice.

Comprendre les causes
Avoir des affinités avec un.e client.e, ressentir de l’affection, une attirance ou même du désir sexuel envers cette personne, c’est humain.  Ce qui est problématique, c’est d’agir en fonction de ces sentiments. Une personne qui exerce une profession doit demeurer vigilante et maintenir des frontières claires entre sa vie personnelle et sa vie professionnelle.
 
Il n’est pas impossible qu’une inconduite sexuelle soit commise de manière spontanée, toutefois dans la majorité des cas il s’agit plutôt d’un processus de glissement: Les auteur.e.s d’inconduites sexuelles ont à la base une ou plusieurs vulnérabilités qui favorisent l’émergence de sentiments particuliers envers un.e
client.e. Ces sentiments vont bien souvent être banalisés par les professionnel.les qui, peu à peu, vont transgresser les frontières de la relation professionnelle, se permettant des comportements ou des paroles qui modifient la nature de la relation jusqu’à commettre une inconduite sexuelle.

Histoire de négligence, de violence ou d’abus sexuel dans l’enfance, problèmes conjugaux, difficultés financières, solitude, isolement social, faible estime de soi, compulsion sexuelle, abus d’alcool ou de substances, etc.

Impression d’être compris par cette personne, de lui plaire, d’être important.e pour elle, désir de l’aider davantage, impression d’être la seule personne à pouvoir l’aider, complicité, valorisation, attirance sexuelle, etc.

Les transgressions possibles sont multiples et dépendent du type de professions exercées.

Voici quelques exemples : Modifier la fréquence, le moment ou la durée des rencontres qui avaient été convenus sans raison valable, prolonger la durée du suivi sans raison valable, proposer des rencontres en dehors du lieu habituel et formel (restaurant, domicile, etc.), entretenir des contacts via les réseaux sociaux non professionnels.

Messages ou commentaires inappropriés et/ou à connotation sexuelle, touchers, caresses, baisers, invitations sexuelles, montrer ses organes génitaux, regarder une personne se dévêtir, avoir des relations sexuelles, etc.

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Les impacts du phénomène de transfert et de contre-transfert

Le transfert est un phénomène bien connu en psychothérapie. Il peut toutefois survenir dans d’autres types de relation professionnelle. Le transfert est le phénomène inconscient par lequel la cliente ou le client va projeter sur la.le professionnel.le des représentations issues de son histoire avec des personnes significatives, généralement ses parents. Selon le vécu de la personne, les sentiments projetés peuvent être positifs ou négatifs et plus ou moins intenses : admiration, mépris, colère, désir, etc.

Le contre-transfert est la réaction de la professionnelle ou du professionnel face à cette projection. Il peut être flatteur de recevoir des compliments ou de se faire dire que nous sommes la ou le meilleur.e, mais ces réactions transférentielles devraient plutôt éveiller la prudence de la professionnelle ou du professionnel, car elles n’ont rien à voir avec la relation réelle. 

Parce que la professionnelle ou le professionnel est dans une relation de confiance et en position de pouvoir, c’est à elle ou à lui de maintenir la juste distance et de ne pas entrer dans le jeu de la séduction ou de la complaisance. Les histoires d’amour qui débutent dans un contexte de transfert se terminent rarement bien.

*Article 158.1 : Le professionnel doit verser à l’ordre dont il est membre l’amende que lui impose le conseil de discipline conformément au paragraphe c du premier alinéa de l’article 156.

Le conseil de discipline peut recommander au Conseil d’administration que cette amende soit remise par l’ordre, en tout ou en partie, à la personne:

  1. Qui a déboursé des sommes d’argent aux fins de porter plainte en vertu du deuxième alinéa de l’article 128;
  2. Qui a été victime d’un acte dérogatoire visé à l’article 59.1 ou d’un acte de même nature prévu au code de déontologie des membres de l’ordre, pour défrayer le coût des soins thérapeutiques reliés à cet acte.
Êtes-vous susceptible de commettre une inconduite sexuelle ?

Commettre une inconduite sexuelle est un geste honteux, ce qui explique que peu de professionnel.les vont demander de l’aide pour diminuer le risque de passage à l’acte. Pourtant, prendre conscience des sentiments vécus ou des transgressions commises pourrait permettre de stopper le glissement afin de prévenir l’inconduite sexuelle.

Nous vous proposons, dans les sections suivantes, quelques questions pour vous permettre d’évaluer votre pratique et d’identifier les risques potentiels.1

  • Comment définissez-vous le cadre de la relation professionnelle avec vos client.es ?
  • Comment définissez-vous votre rôle et ses limites avec vos client.es ?
  • Obtenez-vous le consentement libre et éclairé de vos client.es avant de commencer votre prestation de service ?
  • Comment vous assurez-vous que la distance professionnelle est maintenue ?
  • Comment intervenez-vous face aux personnes intrusives ?
  • Quels sont les moyens qui vous permettent de maintenir des frontières claires entre votre vie personnelle et professionnelle ?
  • De dire à un.e client.e des choses personnelles à propos de vous, dans le but de l’impressionner?
  • De parler de vos difficultés personnelles en espérant que votre client.e soit sympathique à votre situation?
  • D’accepter qu’un.e client.e paie les honoraires de vos services autrement qu’en argent (ex. travailler pour vous, échange de services professionnels)?
  • De ressentir une forme de fébrilité lorsque vous attendez son rendez-vous un.e client.e?
  • D’adopter une attitude séductrice avec un.e client.e?
  • De faire des accolades ou d’embrasser un.e client.e?
  • D’avoir de la difficulté à mettre fin à une relation professionnelle en sachant que le.la client.e n’avait plus besoin de vos services?
  • De demander à un.e client.e de vous rendre des services ?
  • D’essayer d’influencer les valeurs d’un.e client.e pour que cette personne supporte une cause politique ou un projet dans lequel vous aviez des intérêts personnels?
  • D’accepter de faire collusion avec votre client.e pour tromper un tiers (ex. compagnie d’assurance)?
  • D’accepter des cadeaux d’un.e client.e?
  • De chercher ou accepter des contacts sociaux avec un.e client.e (réels ou virtuels)?
  • De tolérer sans rien dire, les écarts de comportements d’un.e client.e: paiement en retard, oubli de rendez-vous, tentative d’étirer les rencontres, etc.?
  • Faire des exceptions pour un.e client.e parce que vous trouvez cette personne séduisante ou impressionnante (ex. lui offrir une plage horaire spéciale, réduire les honoraires ou en faire plus sans facturer les services)?
  • De penser que personne d’autre que vous ne pourrait aider cette personne aussi bien que vous?

Si plusieurs de ces comportements vous concernent, nous vous encourageons à utiliser l’un des moyens proposés dans la prochaine section.

Les moyens de prévenir

Le fait d’être informé sur la réalité des inconduites sexuelles, des conséquences pour les victimes et des sanctions possibles pour les auteurs d’inconduite sexuelle est un premier pas pour diminuer le risque de commettre une inconduite sexuelle.

Pour certaines personnes, des moyens plus concrets devraient toutefois être mis en place :

  • Combler ses besoins psychoaffectifs hors du travail (développer son cercle social, pratiquer une activité sportive ou un loisir, etc.).
  • Être membre d’une association professionnelle pour échanger avec des personnes qui exercent la même profession.
  • Référer certains client.es à des collègues.
  • Demander l’aide de ses supérieurs pour faire face à des situations délicates.
  • Suivre une formation sur la déontologie, l’éthique ou le savoir-être.
  • Aller en supervision ou demander l’avis d’un collègue plus expérimenté.
  • Faire une psychothérapie.
Confits d’intérêts et indépendance professionnelle

Il y a des situations où la question des conflits d’intérêts semblent évidentes : un.e avocat.e ne pourrait pas défendre son conjoint ou sa conjointe tout comme un.e psychologue ne pourrait pas recevoir son amoureux ou son amoureuse en consultation.

Il y a des professions pour lesquelles ces enjeux semblent moins évidents. Pourtant, tous les codes de déontologie contiennent des dispositions visant à prévenir les situations de conflits d’intérêts (article 87 du Code des professions).

Est-ce qu’une personne qui exerce une profession et qui offre des services ou des traitements à des ami.es, des proches ou des membres de sa famille est réellement objective ? Il est possible que le.la professionnel.le souhaite offrir des privilèges à cette personne (plage horaire différente, honoraires inférieurs, plus d’attention, etc.). Ou au contraire, parce qu’il ou elle connaît cette personne, il est possible qu’il ou elle prenne pour acquis certaines informations et modifie sa manière de faire l’évaluation des besoins, ce qui pourrait entraîner un préjudice.

Par ailleurs, dans le cadre de la relation professionnelle, les client.es dévoilent des informations intimes et confidentielles. Les ami.es, les proches ou les membres de sa famille pourraient préférer retenir certaines informations importantes pour l’évaluation des besoins. Ce manque d’aisance à parler de manière authentique avec la ou le professionnel.le augmente les risques de préjudice. Il est donc probable que la ou le professionnel.le agisse de manière différente avec une personne qui lui est proche, ce qui correspond à un conflit d’intérêts.

Par ailleurs, offrir des services ou des soins à un.e conjoint.e pourrait constituer une inconduite sexuelle selon la définition de l’article 59.1. Dans une telle situation, il reviendrait au bureau de syndic d’analyser la situation et de déterminer s’il y a matière à porter plainte.

Signaler

La majorité des codes de déontologie contiennent un article qui oblige les membres à informer leur ordre professionnel si elles ou s’ils ont des doutes sur la compétence ou sur le fait qu’une personne membre adopte un comportement dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de la profession.

Plusieurs facteurs peuvent toutefois amener les collègues à garder le silence : doutes quant à la gravité de la situation, peur d’être jugé.e par les autres d’avoir dénoncé, de briser l’ambiance de travail, de vivre de l’intimidation, des représailles, de perdre son emploi, etc.

Les témoins ont un rôle important à jouer pour prévenir l’inconduite sexuelle.

Conclusion et références

Si vous vous êtes reconnu dans la description de certaines vulnérabilités, si vous avez réalisé qu’il vous arrive de transgresser les frontières de la relation professionnelle, nous vous invitons à mettre en place des moyens afin de prévenir le passage à l’acte. N’hésitez pas à demander de l’aide.

www.opsq.org
www.opq.gouv.qc.ca

1 Epstein, R. S., Simon, R.I. (1990) The Exploitation Index: An early warning indicator of boundary violations in psychotherapy. Bulletin of the Menninger Clinic, 54, 4; 450-465.

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